Vendange
EAN13
9782714306890
ISBN
978-2-7143-0689-0
Éditeur
José Corti
Date de publication
Collection
Ibériques
Nombre de pages
400
Dimensions
19 x 14 x 2,6 cm
Poids
405 g
Langue
français
Langue d'origine
portugais
Code dewey
869.34
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"Senhor Angelo connaissait le théâtre humain et ses marionnettes. Le versant qui s’élevait en face lui fournissait l’image d’une scène gigantesque où se jouait la comédie de la vie. Tout en bas, la pauvreté piétinée et affamée ; au milieu (ceux) qui s’étaient élevés avec le temps, obscènes d’impatience et d’insensibilité ; en haut, l’élite dont il faisait partie, jouissant des derniers privilèges hérités. Irréconciliables, les trois mondes se haïssaient et se combattaient. Celui d’en bas avait la raison du nombre et l’arme puissante du travail ; celui du milieu, plastique et tentaculaire, traçait son chemin à coups d’audace et de ténacité ; celui d’en haut brandissait les armes immaculées de la culture et du goût en se prévalant de la légitimité de privilèges ancestraux. Seul le premier avait besoin d’une victoire totale et retentissante. Parce qu’il sortait des brumes, il voulait la clarté totale. Aux autres, le maintien de l’équilibre suffisait (…). Le combat des trois ennemis aurait-il une fin prochaine ?".

Nous sommes dans les Terres Chaudes du Douro, la région où s’élabore le porto, le temps d’une récolte. Si les trois forces en présence se combattent, elles-mêmes sont parcourues par toutes les tensions humaines, dans l’ordre de la sensibilité, de l’affectivité et de la sexualité. Certains gardent leur dignité, d’autres la perdent, d’autres encore se mettent en chemin pour la trouver.

On peut s’étonner que ce roman subversif, écrit au début des années 40 et publié pour la première fois en 1945, n’ait pas été saisi par la censure, comme le Quatrième Jour de La Création du monde l’avait été en 1939 et les Contes de la Montagne en 1941. Serait-ce parce qu’il ne s’agit pas ici de subversion politique ou religieuse, mais de subversion sociale, et qu’il importait peu à "l’État Nouveau" salazariste qu’on mette en scène la lutte entre les grands, les gros et les petits ? Quoi qu’il en soit, en raison des saisies précédentes, l’urgence pèse sur ce livre, dont le style et le rythme sont marqués par la compulsion. Comme s’il devait être le dernier, tous les thèmes que développeront les nombreux ouvrages à venir se bousculent dans ce roman.

C. Cayron
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Vendange - Miguel Torga - CORTI

Comme dans les grands romans de Giono, Vendange ne raconte pas seulement l'histoire singulière d'un groupe de vendangeurs face aux maîtres. Au-delà de l'affrontement social, au-delà d'un récit violemment dénonciateur, Torga écrit une histoire plus vaste, plus poétique, qui se joue entre une terre, des bêtes, des plantes et des hommes. Dans ce pays de mélancolie et de brume, condamné à regarder au large de ses côtes immenses, s'écrit une page d'éternité. Les hommes passent avec leurs amours contingentes, leurs peines, leurs désirs de dominer le monde. Restent les paysages et cette terre que d'aucuns travaillent de leurs mains, transforment, et dont la géographie peu à peu finit par raconter l'histoire.
Michèle Gazier, Vignes à haute tension, Télérama, 23 juin 1999.

Un roman puissant et sombre, ancré dans la région du Douro, non loin de la terre d'origine de Torga : Tras-os-Montes, l'"au-delà des montagnes", cette province montagneuse aride et pauvre du nord du Portugal pourr laquelle Torga toujours conserva un attachement viscéral.
Nathalie Crom, La Croix, jeudi 1er juillet 1999.

Vendange - Miguel Torga - CORTI

En tout ils étaient quarante, hommes, femmes et enfants. C’était Seara, le contremaître de la quinta de La Cavadinha, qui les avait engagés un à un, maison après maison, en annonciateur d’une bonne nouvelle plutôt que loueur de bêtes de somme. Ceux qui avaient de bonnes jambes avaient accepté aussitôt car, après le battage, Penaguiao n’était plus qu’une aire de paille triturée, déjà exposée aux premiers vents froids, sans gagne-pain, désolée, en attente de l’hivernage. Et l’on aspirait au baume de quinze jours de travail, ailleurs. Seule Julia Chona ne s’était pas laissé séduire par le mirage, avait dit haut et fort qu’elle préférait mourir de faim à Penaguiao, sans plier l’échine, plutôt que se gaver de moscatel, les reins cassés, dans le Douro. Fléau de la balance du village, la Chona y incarnait le scepticisme de la sueur à louer. Quand elle se refusait à faire une journée, c’est que le salaire était minable ou les conditions mauvaises. Dans les travaux des champs, cette fermeté d’âme donnait des résultats, car souvent l’un ou l’autre suivait son exemple et restait assis au soleil, en attendant que l’imminence d’un orage ou l’urgence d’un arrosage touchent le cœur endurci des patrons. Mais, une fois le seigle moissonné, sur les hauts plateaux de granit il n’y a rien ou presque à faire durant longtemps, et " vendange " sonne comme un mot de passe pour un peu d’argent et de liberté. D’ailleurs, le grand rêve du village, tout au long de l’année, est de faire partie d’une équipe. Descendre aux rives du Douro, à la Ribeira, est une aventure pour la Montagne depuis qu’au monde il y a des vignes. On part à la fête païenne de la cueillette des grappes avec la sève d’une jeunesse en fleur ou la sécheresse du vieil âge reverdissant. La montagne ne donne pas ce vin mûri, fruité, couleur de topaze, qui enivre les sens et met au regard la clarté d’autres cieux. La douce blancheur du lait de brebis emplit les âmes d’une tiède candeur et les corps d’une force virginale et soumise. Mais en septembre, on dirait que s’épanouit en chacun l’irrépressible envie de dépasser l’horizon fade et routinier.

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