La Paix des ruches
EAN13
9782889070770
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
DOMAINE FRANCAIS
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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La Paix des ruches

Zoé

Domaine Francais

Indisponible

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En préambule, le mot de Mona Chollet, qui malgré son emploi du temps dément, a
accepté de signer une préface à La Paix des ruches : "Bien reçu le livre,
merci. Il est encore plus extraordinaire que dans mon souvenir ! Ce sont les
analyses et les préoccupations féministes d'aujourd'hui, formulées par une
femme qui commente la guerre d'Espagne... Incroyable ! Et j'adore son mélange
de radicalité et de nuance, d'ambivalence." Paru en 1947 chez LUF, à Paris, La
Paix des ruches fait scandale, en particulier en Suisse romande. C’est un
brûlot qui dénonce la domination masculine sur tous les plans – professionnel,
conjugal, social –, souligne l’ingratitude ressentie par les femmes qui
cumulent un métier et la tenue du ménage, remet en question la vie commune
entre homme et femme « en dehors de l’amour ». Fil rouge de cette réflexion,
le journal intime de Jeanne Bornand, qui s’ouvre sur ce constat : « Je crois
que je n'aime plus mon mari. » Partant de là, Jeanne s’interroge sur la
pertinence de poursuivre cette aventure commune, aux côtés de cet homme qui «
ne pose les yeux sur moi que pour me critiquer. Et à part la critique, il
n’exprime rien, ne manifeste rien, n’a aucun égard et ne fait jamais le
moindre effort pour me comprendre ou me donner la possibilité de le
comprendre. » La scène où Philippe se rend compte que sa femme tient un
journal intime est éloquente : « – Qu’est-ce que tu fais ? Des comptes ? –
Non, non, ai-je répondu. Et je crois bien avoir rougi. – Mais alors ?… Je n’ai
pas répondu, mais, comme il insistait, je me suis mise à balbutier telle une
écolière prise en faute : – Je… je… j’écris pour moi… Il n’a pas compris tout
de suite. Puis, brusquement, il a levé les bras au ciel, et son expression
bonasse s’est couverte de cette méchante petite ironie qui toujours me
bouleverse, et pas seulement quand c’est moi qui en suis l’objet, mais aussi
quand elle vise les autres, car je trouve qu’une certaine ironie est un péché.
Du reste la Bible ne dit-elle pas : « Gardez-vous de la langue des moqueurs. »
Mais lui, détachant chaque mot : – Ainsi Ma-da-mé-crit-son-journal… Et plus
vite : – Ou bien si c’est un roman par hasard que tu t’es mis en tête d’écrire
? Puis il s’est renversé en arrière dans son fauteuil, il a fermé béatement
les yeux, lâché voluptueusement une bouffée de fumée de son gros cigare dont
je déteste tant l’odeur, puis a ajouté d’un ton sarcastique : – Lis-moi ce
chef-d’œuvre… Je suis tout oreilles. » En parallèle de la tenue du ménage,
Jeanne travaille dans un office de dactylo les après-midis. Dans les bureaux
où bourdonnent les machines à écrire, c’est l’occasion pour elle de côtoyer
d’autres femmes, qui toutes ont un rapport différent au monde, aux hommes, à
l’amour. Il y a notamment Clara, incarnation du courage, « qui gagne non
seulement sa vie, mais encore celle de sa mère » ; Marguerite plus complice, «
qui sait ce que j’éprouve pour mon mari, ou plutôt ce que je n’éprouve plus ».
Au fil de son journal, Jeanne relate ses discussions avec les unes et les
autres, nourrit sa réflexion de leurs situations. Elle évoque aussi Élisabeth,
son amie d’enfance, qui malgré un mari toujours épris d’elle, a eu besoin de
s’éloigner de son foyer : « Même cet homme qui l’aimait à la dévotion lui
était devenu une charge, un obstacle ». Jeanne explore également la
possibilité de divorcer, d’aimer d’autres hommes : « quand j’aurai moi-même
divorcé, retrouverai-je un beau matin, intact, ce sentiment passionné qui me
fit désirer Philippe et l’avoir à tout prix pour mari ? Ne cesserai-je jamais
de retrouver des traces en moi, des traces de tout ? De rester en définitive
sur place en ayant l’air de me déplacer, comme si ma vie n’était pas semblable
à un fleuve qui s’écoule en traversant des contrées successives, mais
ressemblait plutôt à un carré de terre donnant naissance à toutes sortes de
végétations, de mauvaises herbes, de belles ou pauvres plantes qui prolifèrent
ensemble, pêle-mêle. Et dès que l’une a germé une fois, puis grandi et fleuri,
elle ne cesse de produire, de reproduire des fleurs, des fruits, entourée de
plantes plus récentes. » « Pourtant j’attends encore quelque chose, je le
sens, de cette race étrangère avec laquelle nous partageons nos demeures, nos
lits, notre vie. Mais quoi ? Après l’expérience de Philippe-époux ? Après
celle de Pierre M. ? Il y eut, je le reconnais, celle de Stéphane, à laquelle
je n’ai pas attaché assez d’importance, parce que je n’avais que Philippe en
tête à ce moment-là. Maintenant, il me faut bien l’avouer, je voudrais encore
un autre amour. Mais je n’ai plus un minois de vingt, ni même de trente ans.
De plus, je sais maintenant ce qui m’attend, ce qui attend tout amour dans
cette vie, ce qu’il en coûte, ce qu’on peut attendre ou plutôt ne pas attendre
d’un homme. Pourtant, Dieu sait pourquoi, je voudrais encore essayer un peu de
leur comédie, de leur jolie comédie d’avant le lever de rideau. De leur
Prologue. Car, pour eux, l’amour ne s’inscrit que dans le Prologue, dans les
paroles dites devant le rideau encore fermé, et quand la pièce commence,
rideau écarté, c’est de tout autre chose qu’il s’agit. Et comment voulez-vous
que la pièce soit bien interprétée avec un tel malentendu entre les acteurs
dès les premières répliques ? C’est que nous étions des amoureuses, et qu’ils
ont fait de nous des ménagères, des cuisinières… Voilà ce que nous avons peine
à leur pardonner. » Amour, mariage, divorce, place des femmes dans la société
: Alice Rivaz réussit ce tour de force de soulever des questions fondamentales
avec un ton d’une grande modernité pour l’époque, sans pour autant tomber dans
le dogmatisme ou s’instituer en donneuse de leçon. L'auteure Alice Golay naît
en 1901 dans le canton de Vaud. De son père, instituteur très engagé dans
l'action sociale, elle hérite dès l'enfance d'une personnalité contestataire
et d'une sensibilité à l'égard des démunis. Tandis que sa mère, épouse soumise
et silencieuse, religieuse et traditionnaliste, apparaît comme l’exemple à ne
pas suivre. Dans la très bourgeoise École supérieure de jeunes filles de
Lausanne, Alice détonne, et c'est sans surprise qu'adolescente elle refuse le
mariage, trajectoire quasi obligée pour une jeune fille de son époque et de
son milieu. À seize ans, elle obtient de s’inscrire au Conservatoire de
Lausanne pour se consacrer à la musique, sa grande passion. Devenue adulte,
Alice ajoute à la pratique du piano celle de la dactylo pour gagner son
indépendance financière, ; et en 1924, elle s'éloigne de Lausanne pour
s'installer à Genève, où elle entame une carrière au Bureau international du
travail. En parallèle de son emploi, Alice pratique la musique, la peinture,
et aussi l'écriture : grâce à la recommandation de Ramuz, son premier roman
Nuages dans la main paraît en 1940 et signe l’acte de naissance de la
romancière Alice Rivaz, qui prend un pseudonyme pour dissocier activité
littéraire et vie professionnelle. Suivra une œuvre féconde et protéiforme,
avec entre autres Comme le sable (1946), La Paix des ruches (1947) ou Sans
alcool (1961). À une époque où le monde professionnel, comme la littérature,
sont essentiellement masculins, Alice est une femme qui écrit, travaille et ne
dépend pas d'un mari. Comme à la ville, la romancière Alice Rivaz n'entre
d’ailleurs pas non plus dans les cases, elle oscille entre manifestes et
fictions, se fait la porte-parole de toutes les femmes, questionne la
pertinence du mariage, l’aspiration à l’amour, le travail, la maladie, le
vieillissement, dénonce également la fragilité des classes sociales démunies,
s’intéresse à des personnages marginalisés car appartenant à des groupes
discriminés, juifs (en particulier pendant la guerre) ou homosexuels. À deux
reprises, en 1942 puis 1969, elle obtiendra le prix Schiller, plus ancien prix
littéraire suisse. En 1980, elle est la première lauréate féminine du prix C.
F. Ramuz, pour l’ensemble de son œuvre. En 1997, un an avant sa mort, elle
reçoit la médaille « Genève reconnaissante », ville où un lycée porte
aujourd'hui son nom. La préfacière Mona Chollet naît à Genève en 1973. Après
une licence de lettres en Suisse, elle intègre l'école supérieure de
...
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