La Vierge néerlandaise
EAN13
9782494289000
Éditeur
LES ARGONAUTES
Date de publication
Collection
ROMAN
Langue
français
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La Vierge néerlandaise

Les Argonautes

Roman

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Ce roman d'une beauté intemporel m'a tout de suite paru comme une première
publication rêvée et presque évidente pour ma nouvelle maison Les Argonautes.
Lors de sa lecture j'ai ressenti le même plaisir que la critique du New York
Times, Danielle Trussoni, qui a sa publication américaine en 2019, neuf ans
après sa parution aux Pays Bas, a comparé le roman à Jane Eyre et à Rebecca de
Daphne du Maurier : "Addictive (...) La situation de Janna est celle de Jane
Eyre et de la narratrice de "Rebecca" de du Maurier. Elle est une jeune femme
qui tombe amoureuse d'un homme plus âgé, si abîmé qu'il ne peut pas être bon
pour elle. Escrime et amour. Bataille et désir. Cette combinaison transforme
les tentatives d'amour de Janna en un jeu d'adresse, un jeu qui laisse des
traces de sang et des cicatrices, donnant au roman une beauté cruelle. (...)
L'un des romans les plus délicieux que j'ai lus depuis longtemps" Danielle
Trussoni pour le New York Times Book Review Plein d'atmosphère, courageux,
sensible et profond, l’écriture de Marente de Moor crée des univers
romanesques singuliers. La puissance de son langage m'a tout de suite séduite,
je reste impressionné par la douceur et la malice avec laquelle elle
l’applique. Malgré le grand succès de son roman récent Phon, que je vais
publier fin 2024, j'ai donc choisi d'introduire cette autrice importante,
versatile et lumineuse au public français avec son deuxième roman, La Vierge
néerlandaise, un texte qui pour moi a le potentiel de devenir un classique.
Pendant l’été 1936, Janna, dix-huit ans, est envoyée en Allemagne près de Aix-
la-Chapelle. Un ami de son père, Egon von Bötticher, doit aider la jeune fille
néerlandaise à se perfectionner au fleuret. Grand maître d’escrime, von
Bötticher réside à la campagne dans une belle propriété, le Raeren, où il
organise, malgré leur interdiction, des combats de Mensur avec armes réelles.
Janna cherche à percer le mystère unissant cet homme blessé et aigri avec son
père et tombe inévitablement sous le charme de son maître charismatique. Liés
depuis la Première Guerre mondiale par le code d’honneur, les deux hommes
semblent avoir une dette à régler. Von Bötticher, husard de corps mortellement
blessé et dérobé de son cheval, a été sauvé par le père de Janna, un médecin
néerlandais. En tant qu'interné militaire des camps des Pays Bas neutres, il
était empêché de retourner sur le champ de bataille. Mais lorsque à la fin des
années trente la barbarie des Nazis commence à envahir l'Allemagne et à
menacer l’Europe avec une nouvelle guerre, les notions de courage, d’amitié et
d’héroïsme ne semblent plus valoir grand-chose, Janna se demande qui va devoir
payer la dette. Bien plus que l’histoire d’un premier amour, délicieusement
rendue, La Vierge néerlandaise explore l’initiation de Janna au monde adulte
comme une expérience contradictoire et troublante. Avec une mélancolie
saisissante, Marente de Moor évoque les tensions d’un monde en proie à un
changement majeur. Et, ainsi que Janna le formule lorsqu’elle rentre aux Pays-
Bas : « Plus rien ne sera comme avant, ce voyage fut un aller sans retour. »
Arlette Ounanian, née en 1943 à Paris, est l’une des traductrices du
néerlandais les plus reconnues. Venant du monde du théâtre, elle vit depuis
longtemps au Pays Bas, aujourd’hui sur un bateau sur l’un des canaux
d’Amsterdam. Elle est notamment lauréate du Prix des Phares du Nord 2019/2020
pour sa traduction de Ton histoire. Mon histoire de Connie Palmen (Actes Sud).
« L’intensité de l’univers émotionnel de Janna, l’atmosphère menaçante de
l’Allemagne à la veille de la Seconde Guerre mondiale et la richesse
imaginative de Marente de Moor font de La Jeune Fille néerlandaise l’un des
romans les plus exquis que j’aie lus depuis des années. » The New York Times
Book Review « Une intrigue bouleversante, sur le fil du rasoir, entre Ernst
Jünger et Léon Tolstoï. Ses métaphores sur la nature sont d’une puissance
animale, ses réflexions aussi brillantes qu’originales, et sa description de
l’atmosphère oppressante régnant avant la tempête de la Seconde Guerre
mondiale témoigne d’un grand art narratif. » Frankfurter Allgemeine Zeitung «
Avec sa plume magnifiquement ciselée, l’autrice construit une atmosphère
inquiétante et met en scène des personnages en proie à des dilemmes moraux et
des passions déchaînées. » NRC Handelsblad Extraits : La Vierge néerlandaise
de Marente de Moor 1 On aurait pu dire que von Bötticher était une gueule
cassée, mais au bout d’une semaine je ne remarquais plus ses cicatrices. On
s’habitue vite aux anomalies physiques. Une personne affreusement mutilée peut
être heureuse en amour si elle rencontre quelqu’un qui n’est pas obnubilé par
la symétrie. Pourtant, en dépit des exemples que nous offre la nature, la
plupart des gens ont la manie de séparer les choses en deux moitiés
parfaitement égales. Egon von Bötticher était beau ; sa cicatrice était laide.
Une plaie boursouflée, infligée par une arme émoussée dans une main instable.
Comme on ne m’avait pas prévenue, la première impression que je lui ai donnée
a été celle d’une jeune fille choquée. J’avais dix-huit ans et j’étais
habillée trop chaudement en descendant du train après mon premier voyage à
l’étranger. Maastricht - Aix-la-Chapelle, un trajet négligeable. Mon père
m’avait accompagnée à la gare. Je le vois encore, debout devant la fenêtre du
wagon, étonnamment petit et maigre tandis que des colonnes de vapeur
s’élevaient derrière lui. Il avait fait un bond quand les deux coups de
marteau du visiteur de gare avaient commandé le desserrement des freins. Les
wagons rouges sortant des mines roulaient à côté de nous, suivis par des
wagons à bestiaux d’où s’échappaient des beuglements et, dans ce boucan, mon
père est devenu de plus en plus petit avant de disparaître au tournant. Ne
pose pas de questions. Pars, c’est tout. Pendant son monologue, un soir après
le dîner, il avait à peine pris le temps de respirer. Il parlait d’un vieil
ami, autrefois un très bon ami, toujours un bon maître. Ensuite, soyons
honnêtes, nous savions que je devais saisir cette occasion si je voulais
réussir dans le sport, je ne voulais quand même pas devenir servante, bon,
alors, vois ça comme des vacances, quelques semaines d’escrime dans ce très
bel endroit qu’est la Rhénanie. Entre les deux gares, il y avait quarante
kilomètres ; entre les deux amis, vingt ans. Sur le quai d’Aix-la-Chapelle,
von Bötticher me tournait le dos. Il savait que je viendrais à lui. Il était
ce genre d’homme. Et j’ai deviné en effet qu’il ne pouvait être que le géant
basané coiffé d’un homburg crème. Pas de costume assorti au chapeau, mais un
polo en laine peignée et un de ces pantalons marins avec une large bande à la
taille. Très distingué. Et moi, la fille, je débarquais dans une robe chasuble
rapiécée. Quand il a tourné vers moi son visage déchiré, j’ai eu un mouvement
de recul. La chair fibreuse avait pâli avec les années, mais était encore
rose. J’imagine que ma réaction l’a agacé, je n’étais probablement pas la
première à me comporter ainsi. Ses yeux se sont portés sur ma poitrine. J’ai
saisi mon médaillon pour cacher ce que ma robe permettait à peine de voir. —
C’est tout ? Il parlait des bagages. Il avait tâté mon sac d’escrime pour
sentir combien d’armes il contenait. Ma valise, c’était à moi de la porter.
L’image idyllique que je me faisais de mon maître avant de le rencontrer s’est
très vite effondrée. … — On le rencontre sur tous les champs de bataille, le
soldat intouchable. En général, on le voit de dos, car il marche devant nous.
Il avance calmement, il se tient bien droit alors que les balles lui sifflent
aux oreilles. Elles ne le touchent pas, il le sait. Mais, alors qu’on
s’étonne, on comprend qu’on n’est pas comme lui. On ne fait pas partie des
intouchables. Et c’est à ce moment-là qu’on est touché. … Le lendemain matin,
je me suis réveillée en pleine confusion. Je ne m’attendais pas qu’une nuit
aussi noire puisse s’achever, que le soleil puisse encore briller dans cette
chambre. J’entendais les cloches du village sonner à proximité. C’étaient des
sons à présent, des coups appuyés les uns après les autres pour qui pouvait
les entendre,...
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