Mémoire de fille

Annie Ernaux

Gallimard

  • 7 février 2017

    Regards croisés.

    A. Ernaux revient sur l’été de ses 18 ans où elle fit l’expérience du désir de l’autre. De cet épisode elle mettra 2 ans à se relever et gardera longtemps les stigmates. Quand Ernaux se raconte ce n’est jamais par narcissisme mais c’est comme un miroir qu’elle tend à l’autre où se reflètent nos histoires singulières.


  • Conseillé par
    23 septembre 2016

    adolescence, écriture

    Quelle plongée dans l’adolescence m’a offert l’auteure : l’âge pendant lequel on doit faire des choix pour son avenir ; ce moment pendant lequel on cherche absolument à appartenir à un groupe.

    Mais Annie n’appartient à aucun monde : ni celui des monos de camp de vacances, ni celui des filles huppées du lycée. Qu’importe, elle se découvre peu à peu, s’émancipant de sa famille en douceur. Reviendront alors son « sang » et son appétit.

    L’auteure explore également son rapport à l’écriture, ainsi que son rapport au passé. Retourner sur les lieux des événements ne lui apporte rien, et pourtant elle cherche souvent des traces des personnes qui ont croisé sa route à cette époque.

    Tout au long de ma lecture, j’ai senti l’auteure apaisée.

    L’image que je retiendrai :

    Celle de l’adolescente calquant ses vêtements et ses études sur ceux de cette femme du camp de vacances, tentant de lui ressembler.

    alexmotamots.fr


  • Conseillé par (Libraire)
    16 avril 2016

    Mémoire de fille

    Un nouveau roman d'Annie Ernaux est toujours un événement littéraire ! Et cette fois-ci d'autant plus qu'elle explore les deux années, entre ses 18 et 20 ans, qui feront d'elle l'écrivain qu'elle est devenue.
    Annie D n'a pas encore 18 ans lorsqu'elle quitte le cocon familial pour le première fois : elle va être monitrice pour enfant, pendant deux mois, loin de chez elle. En 1958, pour cette bonne élève, demie-pensionnaire (car elle rentre manger chez maman!), élève dans une institution catholique (non mixte évidemment), découvrir la liberté totale, le mixité, la sexualité, l'alcool... tout à la fois, quel choc ! Quel amusement mais aussi quelles erreurs dont elle gardera les stigmates longtemps, dont elle aura du mal à se remettre.
    Annie Ernaux tente d'approcher au mieux la jeune fille qui fut elle autrefois grâce à un subtil mélange entre je et elle, parce que cette Annie n'est pas elle mais elle l'a été et a façonné l'Annie d'aujourd'hui, sans doute une des plus grandes écrivaines françaises.


  • Conseillé par
    5 avril 2016

    « Toujours des phrases dans mon journal, des allusions à "la fille de S", "la fille de 58". Depuis vingt ans, je note "58" dans mes projets de livres. C’est le texte toujours manquant. Toujours remis. Le trou inqualifiable.»
    Avec « Mémoire de fille », Annie Ernaux remédie à ce texte manquant. En 1958, Annie Duchesne (son nom de jeune fille) âgée de dix-huit ans est monitrice dans une colonie à S. dans l’Orme. Pour la première fois, elle quitte Yvetot et le café-épicerie de ses parents pour un été. « Tout est nouveau pour elle » comme cette liberté loin de ses parents.
    Première expérience sexuelle avec H. moniteur-chef avec qui elle passe la nuit car il y a l'envie, le désir. Et elle se donne à lui avec soumission. Elle est amoureuse mais dès le lendemain, H. s’entiche d’une autre fille. Annie Duchesne devient un objet de moqueries et de mépris, on lui colle l’étiquette de fille facile, de « putain sur les bords ». Il y aura d’autres garçons mais son esprit est accaparé par H. Vient la fin de la colonie, le désir d’oublier cet été et sa violence qui ne sera pas sans conséquences : aménorrhée et boulimie.
    Les deux années suivantes s'accompagneront d'un changement d’orientation dans ses études supérieures, d'un séjour de fille au pair à Londres. Et la lecture de Simone de Beauvoir sera un catalyseur.

    À partir de ses souvenirs, de lettres écrites à ses amies et de photos, Annie Ernaux analyse Annie Duchesne avec distance « Je ne construis pas un personnage de fiction, j'ai déconstruis la fille que j'ai été ». Le « je » pour parler d’elle au présent et « elle », « la fille de 58 » se côtoient dans ce va-et-vient ponctué de nombreuses réflexions et d'interrogations sur son travail d’écriture : « J'ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elle devait être écrites un jour » et sur celui de la mémoire.
    Et d’écrire : « C'est l'absence de sens de ce que l'on vit au moment où on le vit qui multiplie les possibilités d'écriture ».

    Avec ce récit, elle parvient à saisir une réalité et le lecteur mesure tous les changements opérés en plus de soixante ans notamment en ce qui concerne le regard porté sur les femmes. Il faut prendre son temps et ne pas se précipiter pour bien saisir l’ampleur de toutes ces pages.
    Un livre indispensable pour l’admiratrice d’Annie Ernaux que je suis et une lecture très forte.