Venus d'ailleurs

Paola Pigani

Liana Levi

  • Conseillé par (Libraire)
    7 septembre 2015

    Encore une fois, on s'attache aux personnages de Paola Pigani. Après nous avoir fait découvrir une page peu connue de l'histoire dans N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures, l'auteur s'attaque à un sujet d'actualité : l'immigration clandestine.
    Comment aller de l'avant et s'intégrer quand on vient d'un pays en guerre comme le Kosovo ? Alors que Simona tente de faire table rase du passé, la vie est plus difficile pour son frère qui rumine sa nostalgie ...


  • 7 septembre 2015

    C'est la solitude de l'homme qui marche, empli de mélancolie. Arrivé à Lyon au printemps 2001, avec sa sœur Simona, Mirko a fui un pays innommable à présent. Il vient de l'extrême banlieue de l'Europe, à jamais sinistrée aux yeux des français. "Un magma sans peuple véritable." Le Kosovo est ce pays montré sur les cartes à la hâte aux journaux télévisés.

    La nuance de l'exil sous la plume de Paola Pigani oscille entre la tristesse ravalée de Simona qui mange sa rage et ses regrets et la sauvagerie de Mirko. Encore incertain sur son lieu d'arrivée, c'est la rue de sa ville, là-bas, qu'il arpente. Celle quadrillée d' îlots de fureur, de haine et d'ignominie.

    Le désir de France diffère chez l'un et l'autre. Simona, volontaire et révoltée, s'obstine à apprendre la langue pour mieux comprendre les méandres du labyrinthe administratif.

    "Rassemblés dans l'écoute, enfants dans l'attente de la becquetée verbale, dociles.
    Aimer la langue. Aimer le pays qui vous accueille. Entrer dans les chairs de la France à travers des mots aux contours de beurre fondu, aux accents d'étoupe." Le désir d'entrer dans une langue nouvelle, une grande demeure de plusieurs étages.

    Mirko aime à s'alléger de la pluie et de la rue, poser sa vie dans une librairie. Dans cet antre tranquille, "le silence des livres donne envie de creuser le temps". Il observe et ressuscite une cartographie phénoménale, un livre qui devrait toujours être grand ouvert, sur le large.

    Ils ne pensaient pas tous les deux se retrouver si nombreux dans les files d'attente de la préfecture et voir en chacun d'eux le reflet de leur propre parcours.

    Par la splendeur des mots, Paola Pigani entre dans l'âme de l'exil. Avec des phrases aux senteurs de souffrances, d'espoirs et de douleurs, elle donne une épaisseur humaine à ceux venus d'ailleurs.

    Un livre précieux où une profonde humanité culmine.

    Liana Levi, Août 2015.