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    10 août 2012

    Du totalitarisme

    « Les mouvements totalitaires sont des organisations d’individus atomisés et isolés », doux oxymore au goût de dégoût. La plume d’Hannah Arendt, philosophe allemand expatriée aux Etats-Unis sous le IIIème Reich, a su rendre plus explicite une période de l’histoire que d’aucuns s’attachent encore à décortiquer. Elle s’est, en effet, à travers cet essai, évertuée à démontrer un mode de pensée, une pratique, un mouvement devenu plus tard une idéologie et plus largement un système politique, une dynamique de contrôle absolu d’un seul sur la masse : le Totalitarisme. C’est avec une fine lucidité qu’Hannah Arendt entraîne son lecteur par-delà l’écoulement du temps en Allemagne puis en Russie, nous faisant découvrir les méfaits de quelques uns contre tous : c’est l’unicité machiavélique contre la masse. Dès les prémisses de l’ouvrage, ce sont des détails qui touchent, emportent et transpercent, issus d’une analyse chronophage, que nous fait découvrir Hannah Arendt.


    La grande nouveauté introduite par Arendt est simple mais vertigineuse du point de vue intellectuel : traiter sur un même pied analytique la Russie de Staline et l’Allemagne d’Hitler, par-delà leur apparente divergence. Sa définition du totalitarisme trouve son origine dans l’Allemagne nazie et l’URSS Stalinienne. Organisés et sombres, ces deux régimes ont longtemps plongés leurs « nationaux » dans une course à la perte identitaire. Déstructurer pour remodeler, façonner un individu à l’image du chef et de la politique qu’il met en place. C’est ainsi que nait la conscience de masse, laquelle Masse se met à aduler la figure charismatique de celui qui est clairement identifié comme Dirigeant. D’un Moi libre, l’individu se perd, s’isole et tel un automate, il cherche à s’identifier à ce chef.
    C’est une organisation alors finement administrée qui voit le jour et conduite par la propagande, c’est une course à la détention du contrôle absolu qui est lancée. La propagande, non sans être suffisamment efficace pour rallier la masse à sa cause va même plus loin puisqu’elle va tendre vers l’endoctrinement. L’utilisation de la violence devient un outil indispensable du pouvoir, de pratiques sur l’ensemble du territoire allemand ou russe. L’histoire de l’ordre s’apprécie à cet instant à l’aune du taylorisme à une autre époque. La loi est « réécrite », la peur du système se fait sentir, une politique de l’antisémitisme est mise en avant, le racisme est de rigueur. Un noyau dur est forgé et a la lourde responsabilité de faire maintenir cet ordre totalitaire. Ce noyau est matérialisé par une police dite secrète, chargée de veiller à la domination du pouvoir du chef unique dont le rayonnement n’est conçu que pour croître, toujours plus, dans la terreur. Une terreur qui n’est organisée que dans le but ultime de dominer le monde. Toute cette quête de la terreur n’est à aucun moment soutenue par un évènement originel que l’on pourrait rapprocher de la morale ou encore expliquer par un acte louable, héroïque démontrant une capacité à révolutionner un système national entier pour en faire un système meilleur encore.
    Vifs, saisissants, les écrits d’Hannah Arendt, dans cet ouvrage conduisent à une vraie réflexion sur la valeur de la démocratie, ce bien précaire qu’il faut protéger.